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Histoire d'O

Pour une fois, je ne vous parle pas d'un nouveau pays, mais de celui, immense, que nous parcourons sans relâche depuis bientôt six ans, le pays de l'eau, la mer, l'océan... C'est un pays magique, aux multiples facettes, aux habitants cachés mais toujours présents et nous gratifiant parfois d'une visite comme les dauphins ou d'une belle pêche comme cette dorade coryphène aux couleurs de l'arc-en-ciel.

Nous ne nous lassons pas de regarder les vagues, de suivre le vol des poissons-volants dérangés par notre passage ou celui des fous rasant les crêtes écumantes du bout de leurs ailes. La nuit, c'est le reflet de la lune sur une mer agitée ou au contraire sur quelques vaguelettes qui nous accompagne pendant notre quart.

Dans les eaux des Bahamas que nous traversons entre les USA et les Antilles, la mer nous offre toutes les nuances de bleu possibles, du turquoise étincelant au bleu foncé indiquant ainsi les profondeurs mieux qu'un sondeur . Les raccourcis nous font passer sur les "banks", bancs de sable ou le fond flirte avec notre quille. Nous attendons la marée haute pour prendre moins de risques et veillons attentivement à l'avant du bateau aux endroits critiques. Mais la récompense est dans cette couleur et cette transparence incroyables

La mer est notre amie. Elle nous porte et porte nos rêves. Elle nous permet une liberté de voyage inimaginable à terre : pas de route tracée, pas de stops, de feux rouges... Pourtant elle a ses contraintes aussi : cyclones, vents contraires, courants violents ne nous autorisent pas à aller toujours où l'on veut quand on veut. Et c'est pour cela que notre route actuelle est moins fréquentée que la traversée de l'Atlantique : l'alizé nous repousse en arrière et le courant général de l'Atlantique l'aide ! En plus, la saison des cyclones débute en juin et nous met un peu plus la pression ! Et puis... et puis... la mer, notre amie, a décidé de s'inviter à bord ! Elle ne se contente plus de nous porter, elle veut faire partie du voyage et cherche par tous les moyens à entrer dans le bateau (faut dire que parfois on lui donne un sérieux coup de main !). Alors elle devient un moment notre ennemie.

Cela a commencé un quart d'heure après notre départ de Fort Lauderdale... Je dis à Pierre, qui est à l'intérieur du bateau, de fermer la vanne du petit lavabo babord car nous sommes bien gités. J'entends des jurons... l'iPod était en charge sur le bord de l'évier et a déjà pris un bain dans cette eau chaude du Gulfstream. Out !

Le lendemain matin, nous bataillons au près contre les vagues. Elles arrosent parfois l'avant du bateau où les hublots sont fermés. Mais, l'une d'entre elles, plus vicieuse, couvre tout le bateau et cascade dans la descente, arrosant les planchers. A l'arrivée le soir, c'est la corvée de dessalage.

Le jour suivant, les vagues sont plus petites. Nous heurtons un rocher, sans mal, en sortant d'un mouillage un peu mal pavé et cela perturbe nos habitudes. Depuis l'extérieur, je vois les hublots de pont fermés et me dis que Pierre s'en est occupé. Une heure plus tard, le vent est monté d'un cran, nous sommes toujours au près. Je suis dans la cuisine en train de préparer le repas quand un torrent entre par les hublots de notre cabine. Ils étaient juste baissés mais pas fermés du tout ! Rejurons... recorvée de rinçage et lessive de toutes les chemises de Pierre car l'eau est entrée directement dans son armoire qui n'a plus de porte pour éviter l'humidité !!!!!

Parfois, c'est encore plus sournois et surtout plus grave : l'eau est entrée dans notre réservoir de gasoil. On soupçonne fortement d'avoir fait une mauvaise opération en rachetant du combustible à un jeune skipper d'un gros bateau à Isla Mujeres. Abandonné par son propriétaire, il vendait ses réserves pour avoir de quoi manger. Ou alors notre bouchon était mal vissé. Mais l'eau dans le fuel, c'est catastrophique pour le moteur. Après avoir constaté une baisse de régime, nettoyé les filtres et vu la couleur du liquide, nous avons appelé un spécialiste qui nous a conseillé de vider ce fuel et d'en mettre du nouveau. Heureusement, nous gardons toujours de nombreuses vieilles bouteilles de plastique de 5 litres. Nous les remplissons toutes, + un jerrycan vide + les jerrycans d'essence + une grosse bouteille à eau de 20 litres... Ouf ! 120 litres sont sortis ainsi du réservoir et nous pouvons y mettre du beau fuel tout propre. Nous avons un peu plus de pêche, mais ce n'est pas encore cela !

Nous nous arrêtons discrètement aux Bahamas (l'entrée est chère, nous voulons l'éviter car nous n'avons pas le temps d'y faire de la croisière), près d'une marina sur Eleuthera, où un mécanicien est recommandé par les guides nautiques. Il contrôle tout le circuit, nettoie encore les filtres mais rien n'y fait. D'après lui, il faut sortir et nettoyer les injecteurs. Cap sur les Turks et Caicos où un représentant Yanmar est établi. Heureusement, le vent est NNE et nous pouvons y aller sans effort et surtout sans l'aide du moteur. 220 milles de pur bonheur sur l'eau, cela arrive heureusement aussi ! A peine amarrés à la marina Turtle Cove, la seule accessible dans l'archipel avec notre tirant d'eau, que le mécanicien débarque pour faire son diagnostic. Il pense qu'il y a une petite chance que ce soit le préfiltre, complètement bouché, qui soit à l'origine de la panne. Le lendemain, il revient avec la pièce bien nettoyée. Nous retenons notre souffle... Mais non ! Toujours pas de puissance et pourtant nous en aurons besoin pour faire la route à l'est. Les vents ne seront pas toujours aussi favorables que ces derniers jours. Alors, à contrecoeur, nous faisons démonter la pompe à fuel et les injecteurs (qui résistent !) pour les envoyer aux USA par FedEx et les faire réviser. Dire qu'il y a quinze jours nous étions à Fort Lauderdale, le paradis pour les réparations en tous genres !

Mais ce n'est pas terminé... le mécanicien parti, nous refermons le coffre moteur et allons nous promener avec une voiture de location. Nous repassons au bateau dans la journée et découvrons que, une fois de plus, l'eau nous a pris de court ! Un tuyau déplacé lors des contorsions du mécano permet à l'eau de mer de remplir le coffre moteur, les câles, les bacs où nous entreposons outils, visseries, câbles électriques, etc... Et c'est reparti pour une journée de dessalage, rinçage et, on en profite, tri et évacuation de matériel inutile. Cette fois, il faut en plus dégraisser car nous avions du fuel dans le compartiement moteur après tous nos problèmes et il est parti se promener dans les fonds.

En fait, on a une certaine habitude de ces opérations : à Isla Mujeres, nous nous sommes battus pendant trois semaines avec de l'eau qui venait d'on ne sait où. Finalement, nous avons découvert qu'il y avait une fuite dans la soudure d'un réservoir inox, puis une autre au joint d'un autre réservoir. Trois jours plus tard, ce sont les toilettes arrières, mal fermées, qui ont débordé. Un point positif : nos fonds sont propres et sans poussière ! Mais cette fois-ci nous avons fait une modification majeure, qui aurait dû être réalisée depuis très longtemps (oui, j'entends les remarques... ): connecter la pompe de câle et son flotteur directement sur la batterie et non sur disjoncteur du tableau électrique comme c'était bêtement le cas.

Dernière histoire d'eau, une définition bien connue dans le monde des navigateurs : un bateau est un trou dans l'eau où l'on jette de l'argent ! C'est pas tout faux ! Et pourtant... qu'on est bien sur notre Anegada !

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