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Haïti
décembre 2014

« Méfie-toi d’eux, leur mémoire est une gomme, elle efface la laideur. Comme Cervantès, le voyageur souvent ne peint que la beauté. Il veut croire aux contes et à l’enchantement. Il ne se réjouit pas de l’horreur. La misère et le malheur sont encombrants. Il ne dessine que ce qu’il rêve ou espère. » Bernard Giraudeau, Le Marin à l'ancre

Si nous sommes à Haïti, c'est parce que les blogs et articles que j'ai lus étaient engageants, que j'ai peut-être déjà gommé les quelques points négatifs à la lecture, que j'ai rêvé cette île à Vache comme un petit paradis hors du temps.

Les barques à voiles et pirogues que nous croisons dès notre arrivée au petit matin confirment effectivement ce rêve. Pas de moteur ! Comme il n'y a pas de vent, ce sont les rames qui propulsent les bateaux. Il y a des endroits où la navigation en canot traditionnel n'est pas un choix !!! Nous sommes loin des Saintoises et des canots du Léman. Le moteur... c'est ce qui différencie les pêcheurs de Beata de ceux de l'île à Vache. C'est ce qui permet de pêcher à la traîne, d'aller plus loin, de pêcher la nuit avec des lampes. C'est moins photogénique, plus bruyant mais plus efficace, c'est sûr.

Avec les orages, le mouillage de l'île à Vache est brunâtre mais le paysage de falaises blanches couvert de cocotiers et autres arbres tropicaux est enchanteur. Les petites cases bordent la baie et un hôtel la domine. Sitôt mouillés, les premiers visiteurs s'agrippent au bateau et nous souhaitent la bienvenue. Ils sont bientôt une quinzaine de jeunes et d'enfants à nous proposer leurs services pour des petits travaux, des visites à terre, du fuel, l'immigration... Pouce ! Nous allons d'abord nous reposer. Mais ce n'est pas facile... Toc, toc, toc contre la coque...ou "Capitaine" !!! Nous sommes dérangés à tout moment et finissons par ne plus répondre.

En relevant nos sms, nous avons la joie de découvrir que nous sommes grands-parents d'un petit Basile, né pendant notre navigation. Quelle émotion ! Et comme c'est dur parfois d'être à l'autre bout du monde ! Il nous faut trouver de l'internet rapidement ! Les prix de l'hôtel, où il faut manger pour surfer, sont dissuasifs. Nous y faisons un peu de change et redescendons au village, Caye Coq, demander l'aide de Castro qui nous a proposé une carte 3G. Il vient sur le bateau nous l'installer et nous pouvons voir les premières photos de Basile, le plus beau des bébés !

C'est au marché de Madame Bernard, le lendemain de notre arrivée, que nous avons un choc devant la pauvreté, la saleté, les déchets partout. Peut-être n'avons nous pas eu de chance... De grosses pluies le jour précédent, pas de vent pour amener les marchands depuis Haïti... Nous essayons d'avoir quelques échanges avec les vendeuses mais personne ou presque ne parle le français et le jeu semble plutôt de nous faire payer trois fois plus cher que normal. De plus, nous ne pouvons pas faire deux pas sans regarder où nous mettons les pieds. cela n'aide pas à capter regards et sourires !!! Pas un endroit où se poser... on rigole en se disant qu'on boirait bien un petit café, mais on n'en mène pas large. Seul le beau spectacle de tous ces bateaux au mouillage nous console. Après une heure, nous retrouvons notre petit gardien d'annexe et rentrons sur Anegada... nous faire un café... et continuer de répondre à nos nombreux visiteurs !



Ces enfants, adolescents, hommes, femmes, pêcheurs artistes, restaurateurs ont tous une bonne raison de venir à nous sur leur "bois-fouille", pirogue très sommaire, ou sur un vieux bout de planche à voile. Ils ont de beaux sourires, nous demandent si la nuit a été bonne et nous apprécions de discuter avec eux. Mais trop c'est trop ! Nous n'en pouvons plus d'être harcelés sans arrêt. Nous leur achetons quelques fruits et allégeons le bateau de cordages, habits, draps et matériel scolaire que j'avais acheté en prévision. Ce n'est certainement pas une bonne idée car plus nous distribuons, plus nous avons de visites ! Mais au Cap Vert, j'avais amené du matériel scolaire que j'ai remis à la directrice de l'école et j'ai appris ensuite qu'elle avait tout revendu aux élèves ! Castro hérite de notre ancien HP qui l'aidera à continuer ses études et aller à l'université.

L'après-midi, nous tentons le snorkeling mais l'eau n'est pas claire et il y a trop de courant, emmenant une sarabande de sacs plastiques au large. Le moral est en baisse ! Nous nous voyons mal passer dix à quinze jours dans ce décor à être harcelés sans arrêt. La météo annonce encore un jour de calme puis la reprise de l'alizé ! 120 milles face au vent et au courant, ce n'est pas une partie de plaisir. Décision est prise rapidement, nous faisons demi-tour !

Castro nous emmène encore faire le tour du village de Caye Coq le lendemain matin. Il y a quelques jolies cases et c'est jour de nettoyages et lessives. Il nous fait visiter l'école où il a été jusqu'à ses dix ans. C'est plus que rudimentaire et pourtant, même pour cela, les enfants doivent payer et tous ne peuvent pas en profiter. 20 à 25 enfants serrés sur des bancs dans ces classes minuscules, un tableau noir et c'est tout ! La maternelle a des dessins de Donald au mur pour tout décor. Quelle tristesse ! Et les enfants rêvent tous d' y aller !


A midi, nous levons l'ancre et mettons le cap, au moteur, sur la République Dominicaine. L'île à Vache est certainement une très belle étape sur la route de Cuba, où au retour... mais pas un but en soi.

Les dauphins nous accompagnent au petit matin et j'aperçois même une baleine au loin : son souffle, sa queue, sa nageoire pectorale. Après 24 heures de moteur, nous mouillons dans la magnifique Bahia de las Aguilas, à l'ouest du Cap Beata. De l'eau bleue, claire, transparente... on en rêvait, même si les fonds sont pauvres ! La plage au coucher du soleil est magique et nous sommes seuls au monde ! Nous avions repéré ce coin depuis l'avion entre Curaçao et Miami et nous étions promis d'y aller !


Un peu plus loin, un restaurant de bord de mer nous permet de passer quelques heures à l'abri du vent terrible qui s'est levé le lendemain de notre arrivée. 25 à 30 nds toute la journée, ça saoûle ! Depuis la terre, devant un délicieux fongo de poisson (bananes jaunes écrasées en forme de panier rempli de filets de poissons dans une bonne sauce), la mer semble si tranquille. Seuls les moutons entourant Anegada nous rappellent ce qui nous attend !

Les gribs n'annoncent pas mieux ces prochains jours. Et nous n'avons pas envie de passer Noël loin de tout, surtout sans internet pour skyper avec la famille réunie en Suisse. Nous prenons donc notre courage pour la dernière étape, le difficile passage du Cap Beata. Nous partons à 2h du matin pour profiter du vent plus calme la nuit et attendons le lever du jour pour passer le canal et voir les éventuels casiers. Nous nous faisons cueillir à la sortie par une mer énorme et un vent force 7 pile dans le nez. L'un dans l'autre, impossible de progresser au nord. C'est donc à nouveau au moteur que nous parcourons 30 des 40 milles jusqu'à Barahona ! Nous pouvons juste dérouler le génois sur la fin.

Retour à la case départ... Barahona nous revoilà ! Et cette fois, tous seuls dans la darse. On voulait fuir les mouillages encombrés des Antilles, on est servi ! ! Seuls Dona Zelia et son chevalier servant lui tirant la révérence nous tiennent compagnie, silencieusement (c'est bien les seuls !), nous surveillant la nuit d'un projecteur blanc. Cela m'inspire ma carte de voeux. Les barques des Haïtiens sont plus jolies, mais j'ai du mal à les utiliser pour souhaiter santé et prospérité à nos amis alors qu'eux ont si peu.

Heureusement, le restaurant Brisas del Caribe nous offre une internet impeccable pour de longues séances de skype et pour voir enfin notre Basile en live. Nous y mangeons aussi une bonne paëlla à la langouste le jour de Noël... en skypant toujours et en commençant à répondre aux nombreux voeux qui nous parviennent. Prochaine étape... Salinas.

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