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République Dominicaine - 1
décembre 2014

Nos aventures de barre nous ont amenés à Barahona plus tôt que prévu. Une fois remis de nos émotions, nous partons à la découverte de cette ville qu'on connaît d'abord par ses bruits. Au petit matin, très petit matin même, les coqs nous réveillent. Puis les motos, les klaxons, la corne de l'usine, et les hauts-parleurs... est-ce un prêche ? une révolution ? une alerte ? En arrivant en ville, nous croisons ces pick-up où les amplis sont entassés pour... faire de la publicité ! Un magasin a reçu un stock de jeans... toute la ville doit le savoir !

A l'approche de Noël, les commerces regorgent de marchandises et il semble que toutes les campagnes environnantes se soient vidées pour venir s'approvisionner. Pourtant c'est dimanche ! Le motos sont alignées, les motos-jouets aussi, afin d'initier les enfants dès leur plus jeune âge. Traverser la rue est tout une aventure et il faut oublier nos habitudes : regarder à gauche et à droite puis avancer en tendant la main ne sert à rien... Ici c'est gauche-droite-gauche-droite-gauche-droite pendant toute la traversée car les motos arrivent de tous les côtés, coupent les carrefours et personne ne s'arrête pour le piéton. A chaque coin de rue, des amplis crachent leur musique à fond. Tout cela nous étourdit mais les sourires et le contact facile avec les locaux nous aident à nous sentir à l'aise.

En achetant du pain, on apprend que ce soir c'est l'inauguration de la nouvelle place centrale, avec grand concert de Tonio Rosario, une vedette du merengué en République Dominicaine... De retour au bateau, nous en informons nos voisins du Capoeira. Ce sont des jeunes passionnés de danses latinos, en route pour Cuba où Lucile, prof de danse, veut se perfectionner. Nous partons avec eux et assistons d'abord aux discours, avec hymne national très solennel. C'est un grand projet touristique mené par le gouverment et la mairie. Il y en aura d'autres, comme des plages réaménagées. Nous rions car, à part nous, il n'y a pas un touriste à l'horizon ! Nous oublions qu'ici touriste ne veut pas dire blanc ! Il y a énormément de Sud-Américains et aussi simplement de Dominicains.

Le concert débute à 21h. La scène est installée au milieu du carrefour, face à un angle de la nouvelle place. Le public s'y installe tranquillement. On essaie de se mettre dans la rue, près de la scène... mais c'est la place des motos ! Les deux rues se remplissent petit à petit de deux roues divers et leurs propriétaires restent simplement assis dessus pour assister au concert ! Pas très pratique pour danser ! Mais très peu de gens dansent. Ils écoutent religieusement, chantent les refrains les plus connus et bougent à peine. La musique est effectivement très bonne. Tonio chante bien et il est accompagné par une dizaine de musiciens et de choristes. Un cercle se forme autour de quelques danseurs déchaînés... ce sont nos copains de Capoeira ! Les filles sont invitées par les locaux et se régalent ! Et quand ils dansent entre eux, ils épatent tout le monde ! A un moment, Pierre signale à Michaël une grosse, très grosse doudou qui s'approche, moulée dans son training, casquette sur la tête. "Celle-là, elle t'a repéré" qu'il lui dit en riant. Mais la doudou passe à côté de Michaël et prend Pierre par les mains pour danser avec lui ! Quand à moi... j'ai bien été invitée, mais devant mon impossibilité à me laisser guider, mon danseur a abandonné !

Après cette première journée bien remplie, nous prenons notre petit rythme : bricolages sur le bateau, ballades à terre pour un peu d'internet et quelques courses. La place nouvellement inaugurée offre du wifi, alors on cherche un banc à l'ombre et on surfe ou skype.

Quand nous avons une petite faim, nous nous offrons un "picapollo". Mobilier basique mais le riz est délicieux. "Arroz con moros" : du riz complet avec des haricots rouge et du poulet grillé ou en sauce. C'est le plat de base ici. A côté de l'entrée du port, nous découvrons le petit restaurant propret de Wilma, le Com Fish. Il vient d'ouvrir et offre chaque jour un plat du jour local ou du poisson grillé provenant du marché juste à côté. Nous testons le sancocho, une soupe à base de courge, de malanga, de carottes où flottent quelques tranches d'épis de maïs et de viande de boeuf. Délicieux. Et puis Wilma a un congélateur avec quelques glaces... c'est notre péché mignon !

En nous perdant dans les ruelles, nous tombons sur le marché... couvert. Vieilles bâches, vieilles tôles... Je doute que la couverture résiste à une bonne pluie ! Mais depuis que nous sommes en République Dominicaine, il ne pleut pas ! Les légumes sont très beaux et bien présentés. C'est apparemment la saison du coriandre, il y en a des énormes bottes. Les vendeurs aiment plaisanter et se faire prendre en photo. Pierre achète des oranges, douze pour 25 pesos (45 centimes). Il apprend à compter jusqu'à doce avec la vendeuse qui se marre. Nous mettons longtemps à comprendre qu'ici les oranges sont amères et pleines de pépins. Il faut demander des "chino". On croyait que c'était l'inverse !


Dans les rues, un camion décharge des oeufs en quantité. Des petites échoppes sponsorisées par Knorr offrent à manger...les grills sont d'anciennes jantes. Après avoir vu les stands de poissons aux yeux glauques et de viande couverte de mouches dans le marché à côté, on n'a pas osé s'installer ! Des guaguas surchargés ramènent les gens dans leur village, le pare-boue rempli de paquets et même ailleurs de poules attachées par les pattes.

Un matin, à 7h30, on frappe à la coque. On nous avise qu'un gros bateau va entrer dans le mouillage et y rester quelques jours. Il faut sortir pendant la manoeuvre et revenir se mouiller ensuite. Nous pensions avoir le temps de petit-déjeûner mais le son de la corne nous fait accélérer. Nous levons l'ancre... un énorme vraquier est à l'entrée du port, manoeuvré par deux remorqueurs. Nous avons juste le temps de sortir ! Ils auraient pu avertir le jour précédent, non ? Deux heures plus tard, nous retrouvons notre place mais le paysage a changé ! Ce n'était déjà pas génial mais là, c'est la zone industrielle ! Enfin ! C'est ça aussi le voyage... il n'y a pas que les mouillages idylliques ! Pendant quatre jours et nuits, non stop, les grues vont décharger du charbon dans une sorte d'entonnoir qui l'amène sur un tapis roulant. Ceci pour alimenter l'usine électrique toute proche. Bonjour l'écologie ! Heureusement, le vent ne souffle pas dans notre direction ! L'avantage, c'est qu'on entend plus le bruit de la ville !!! Cela ne semble pas déranger les aigrettes (?) (nous on dit les garces car c'est garças en espagnol) qui reviennent tous les soirs à leur place dans la mangrove.


Nous sommes surpris par tout ce que les gens laissent traîner dans les rues, papiers, bouteilles, plastiques. On est loin du tri sélectif ! Une action de prévention semble en cours, à voir les affiches et les nombreuses poubelles installées partout, mais les mentalités sont difficiles à changer. Chaque fois que nous avons remonté l'ancre, nous avons pêché quelques cornets plastiques... que nous avons remis à l'eau tellement ils sont dégoûtants et sentent mauvais. Il y aurait des lamentins dans cette baie ! On a des doutes....

John est revenu et a réparé notre secteur de barre d'une main de maître. Nous sommes prêts à repartir et nous disons que nous avons le temps d'aller à Haïti tout de même. Nous faisons nos formalités de sortie le samedi soir, sans que la marine de guerre nous demande quoi que ce soit pour le remorquage. ouf ! On a craint le pire jusqu'au dernier moment. Seul un sinistre personnage de l'autorité portuaire a voulu nous taxer sur le jerrican de fuel que Pierre avait été acheter à la station service. J'ai sorti mon meilleur espagnol pour lui demander "porque ?" C'est une taxe du gouvernement sur le fuel, c'est la loi ! Alors montre-nous la loi ! Il a baissé les bras et a demandé juste un petit cadeau... et puis quoi encore !!!

La navigation le long de la côte de la pointe sud de la République Dominicaine se fait au moteur par absence de vent. C'est dommage mais je crois que nous avions besoin de cela après les dernières navigations ! On apprécie de voir un champ d'éoliennes ! L'écologie arrive ici aussi et remplacera le charbon, on l'espère. Nous embouquons le canal de Beata en début d'après-midi. Une barque nous rattrape et les pêcheurs nous échangent des lambis contre une petite bouteille de rhum. Nous mouillons devant leur campement au nord-ouest de l'île. Comme souvent, nous découvrons un paysage insoupçonné ! Nous imaginons selon les lectures, les récits, les cartes... et ce que nous voyons est tout différent ! Pierre croyait se retrouver seul au milieu de récifs à langoustes... c'est raté ! Vu le nombre de barques qu'on voit sur la plage, il ne doit plus rester grand chose sous l'eau ! Des cases sont adossées à une belle falaise, la plage est parsemée de cocotiers et les barques sont amarrées devant. On voit un attroupement devant une case en tôle et on pense qu'il doit y avoir une TV et peut-être un match... erreur, on verra le lendemain que c'est le hangar où ils stockent les poissons et langoustes.

La marine de guerre fait une petite reconnaissance à bord et contrôle notre zarpe pour Haïti. Drôle de marine qui n'a pas de bateau et se fait toujours amener par un pêcheur ! Pas de VHF qui fonctionne non plus ! Nous leur offrons quelques bières et 20 litres d'eau douce, denrée rare sur l'île. Ils nous disent que nous sommes les bienvenus à terre. Nous y allons le lendemain pour récupérer notre bidon. C'est avec étonnement puis enchantement que nous parcourons l'"allée" du village, piste de sable blanc bordée de cabanes de tôles, de bois peint, ou même de tentes. Les pêcheurs vivent là uniquement pour travailler et ne peuvent emmener leur famille. Ils vont tous retourner dans leur village pour Noël et engraissent quelques dindes pour cette occasion ! Les langoustes sont conservées dans des viviers, les poissons dans de la glace, ou séchés au soleil. Parfois, nous voyons un paysage idyllique depuis le bateau et nous sommes déçus par la saleté à terre. Là ce n'est pas le cas, même s'il y a quelques tas de bouteilles égarées. Et surtout, les gens sont ouverts, souriants, prêts à échanger, à nous expliquer leur travail. Je n'ai qu'un regret... que la pile de mon appareil photo ait rendu l'âme à ce moment là ! Heureusement que des copains français m'ont passé leurs photos.


Nous avons rendez-vous ici avec Guy, du Marsouin, qui arrive de l'est de la RD. Nous passons l'après-midi et la soirée ensemble, avant de faire route sur Haïti qu'il connaît déjà bien. Il va ensuite sur Cuba, retrouver sa Cubaine ! Il est pressé et le matin, il nous bouscule pour partir... Du coup nous devrons freiner sur tout le trajet de 130 nm afin de ne pas arriver de nuit. Et même nous mettre une heure à la cape... décidemment, on y prend goût ! Le temps est couvert, orageux, le vent monte à 25-30 noeuds, la pluie s'y met... pas très agréable comme nav ! Haïti nous voilà !

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